Meubles chinois

Il est réalisé en bois dur, en laque, en bambou ou encore en céramique. À chaque matériau correspond une époque, une classe sociale ou un usage spécifique. Au pompeux mobilier laqué, sculpté, peint, au décor surabondant des parvenus et de la cour s'oppose, à partir du XVIème siècle, le mobilier en bois de rose des lettrés.  

Jusqu'aux Tang, le Chinois comme d’autres asiatiques vit au niveau du sol. Les tables sont basses, les paravents de petite taille, l'estrade préfigure le lit et le trône; l'appui-bras est l'élément indispensable de ce mobilier. C'est sous les Tang que tables et tabourets s'empilent, que l'on s'assied jambes pendantes et non plus sur ses talons, et qu'apparaît avec l'emploi du bois de rose un mobilier d'un caractère exceptionnel, dont l'esthétique repose sur la volonté de magnifier les bois rares, et d'établir entre le meuble et son utilisateur une relation nourrie de l'exaltation de la nature.

Sept qualités fondamentales doivent habiter le meuble en bois de rose, art de l'ébéniste consistant en une science des ajustements invisibles: la simplicité, la pureté, la dignité, la vigueur, l'intégrité, la profondeur et la volonté de maladresse archaïsante celle même qui conduit le peintre lettré.

Le mobilier en bois de rose regroupe trois types de meubles: le siège, la table et l'armoire ou cabinet.

Le siège, c'est d'abord le tabouret, réparti en cinq types selon la forme du piétement. Tout d'abord simple pliant, héritage de la steppe, puis à bandeau, à traverses, à pieds fantaisie ou en tambour, le plus souvent réalisé en céramique, puis la chaise et le fauteuil. Ceux-ci offrent des modèles très stables. Le dossier assez élevé est légèrement galbé, les deux montants latéraux sont reliés par une traverse largement débordante en «bonnet de lettré» ou en «bonnet de lettré du Sud».

La table est consacrée à une activité spécifique: table à vin, à bords relevés; table à peindre, à bords relevés aux extrémités; table à jouer du luth; table à encens, circulaire; table à écrire, à tiroir.

Peu de lits ont été réalisés en bois de rose; toutefois, de larges estrades issues des kang traditionnels font office de boudoir et accueillent de petites tables et étagères basses, des armoires miniatures.

Le cabinet et l'armoire sont, avec la table, les meubles par excellence de la demeure du lettré fonctionnaire. L'armoire est conçue selon le même principe que l'architecture: le dian constitue son élément de base, un quadrilatère délimité par quatre colonnes d'angle. Le corps, plus large à la base, repose sur quatre pieds ronds reliés par un tablier.

Destinés à des fonctionnaires amenés à se déplacer, ces meubles doivent être démontables et ne peuvent être taillés dans un bois trop lourd, comme le mobilier officiel des solennelles salles de réception, souvent réalisé dans un bois dur et sombre, comme le santal pourpré qui, frotté avec du papier sablé ou une racine abrasive, produit une fine sciure orange qui s'accumule dans les veines et que l'on fixe avec de la laque transparente: c'est le santal «pourpré brocart d'or», en vogue sous les Ming et les Qing. Onéreux, lourd et difficile à démonter, on le voit rarement dans le cabinet du lettré. Il est réservé aux cadeaux officiels et devient dès le XVIème siècle un objet de collection.

Le hua li, souvent utilisé pour le mobilier du lettré est un bois dur et lisse, rouge orangé ou miel doré. Ses veines, protégées par une couche de laque transparente, s'éclaircissent avec le temps, et ses effets de lavis séduisent l'élite confucéenne et la sensibilité taoïste.

Le bois appelé «en aile de poulet» en raison de ses dessins en plumes, utilisé au XVIIIème siècle, s'adresse à une clientèle moins subtile. Non laqué, il vieillit mal et prend une teinte grisâtre.

Le lao hua mu a une couleur miellée mais malgré un grain dense, il est moins doux au toucher et plus rustique que le hua li, il ne s'éclaircit pas en vieillissant et n'est utilisé que pour de petits meubles ou des parties de meubles.

Le hong mu, lui non plus, ne répond pas à toutes les exigences esthétiques des lettrés. Ce bois offre un beau grain et des veines vigoureuses, mais il est fade et il n'en émane pas la lumière du huang hua li. Peu utilisé sous les Ming, il connaîtra les faveurs du goût aux XVIIIème et XIXème siècles, comme le camphrier zhang mu au ton sable marbré.